dimanche 24 mai 2009

Le manifeste de la Warande vu par l'asbl BPlus

Lors du 175ème anniversaire de la Belgique en 2005, on a beaucoup parlé du manifeste pour une Flandre indépendante rédigé par le groupe de réflexion "In de Warande"...alors qu'il n'a été signé que par une soixantaine de personnes! Ils reprochent à la Wallonie d'être trop pauvre, trop à gauche et trop différente de la Flandre. Un an plus tard, trois membres flamands de l'asbl BPlus (Luc Ryckaert, Tony Van de Calseyde et Luc Van Coppenolle) répliquent en sortant, fin 2006, le dossier "Le manifeste de la Warande pesé, évalué et trouvé trop léger".

Les trois auteurs font remarquer : "Le problème est à vrai dire que les nationalistes flamands, aussi bien que wallons, ainsi que certains médias, martèlent les différences flamandes/wallones, les amplifient, quand ils ne les créent pas tout simplement (...) La tendance des nationalistes flamands et wallons à généraliser les différences flamandes/wallones et à créer un climat d'hostilité est particulièrement néfaste : "les" Flamands seraient intolérants et xénophobes, tandis que "les" Wallons seraient paresseux et profiteurs. Si on employait les mêmes termes relativement aux allochtones, c'est avec raison que l'on pourrait parler de racisme. Cette distorsion est voulue pour diviser les mentalités et, de la sorte, promouvoir le séparatisme (...) Des migrations séculaires entre Flamands, Wallons et étrangers ont fortement marqué les néerlandophones et francophones. Que l'on songe aux nombreux patronymes flamands en Wallonie et français en Flandre".

BPlus ne conteste pas les transferts nord/sud mais fait remarquer qu'ils existent dans toute communauté : entre riches et pauvres, entre villes et campagnes, entre allochtones et autochtones, entre arrondissements et provinces, et donc aussi entre la Flandre et la Wallonie. Mais cette tendance peut être renversée dans un proche avenir : le vieillissement de la population est plus important en Flandre qu'en Wallonie, et aura des conséquences financières sur les pensions et les soins de santé, qui font partie des compétences de l'Etat fédéral. Les transferts favorisent le pouvoir d'achat de la Wallonie, dont le premier partenaire commercial est...la Flandre!

Les trois auteurs démontrent dans leur dossier que les montants de ces transferts ont été surestimés par le groupe "In de Warande" dans son manifeste et ne sont pas supérieurs à d'autres pays européens. Ils rappellent aussi qu'en 1949, le chômage était encore de 19,5 % en Flandre contre seulement 5,2 % en Wallonie et 8,3 % à Bruxelles. Jusqu'en 1964, le Produit Régional Brut était supérieur en Wallonie par rapport à la Flandre. Cette tendance s'est ensuite inversée. Mais bizarrement, le manifeste "In de Warande" cite les chiffres des transferts à partir de 1990...en oubliant les décennies précédentes!

Sur le plan institutionnel, BPlus reconnaît que la prise de décision est plus compliquée dans un Etat fédéral que dans un Etat unitaire, et que la fusion entre la communauté flamande et la région flamande (1 gouvernement et 1 parlement tandis qu'en Belgique francophone, la communauté française et la région wallonne ont chacune 1 gouvernement et 1 parlement) est une bonne chose. Ils rappellent leur projet de création d'une circonscription électorale nationale qui obligerait les responsables politiques flamands et wallons à défendre leurs décisions de part et d'autre de la frontière linguistique, et permettrait de trouver une solution négociée au problème de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

BPlus souhaite également un large accord culturel entre nos communautés. La presque totalité de l'élite culturelle flamande est opposée au séparatisme et reste attachée à l'unité de la Belgique : Jan Decleir, Anne-Teresa De Keersmaecker, Geert Van Istendael, Jozef Deleu, Jan Hoet, Koen Wauters, Tom Barman, Stijn Coninx, Marc Reynebeau, Will Tura, Helmut Lotti, Erik Van Looy, Kamiel Van Hole, Dimitri Verhulst, etc.

Le manifeste du groupe "In de Warande" présente la Wallonie comme une région pauvre, immobile, corrompue et étouffée par le PS. BPlus nuance ces propos : la plus riche province belge est le Brabant wallon, la province du Luxembourg n'a pas un chômage plus élevé qu'en Flandre, le nombre d'intercommunales est passé de 112 à 56, le plan Marshall a été lancé, les écoles d'immersion en Wallonie connaissent de plus en plus de succès, il y a moins de jours de grêve en Wallonie qu'en Flandre, etc.

Les trois auteurs citent ensuite une série d'arguments contre le séparatisme oubliés dans le manifeste de "In de Warande" : départ des investisseurs étrangers suite à l'instabilité politique, difficile scission des services publics fédéraux et de la dette, protectionnisme de la Wallonie qui pourrait boycotter les produits, aéroports et ports flamands, probable départ des institutions européennes, perte de la marque "made in Belgium", francisation de Bruxelles et de sa périphérie en cas de rattachement de la Wallonie à la France, diminution de l'influence dans les organisations européennes et internationales.

Conclusion de messieurs Ryckaert, Van de Calseyde et Van Coppenolle : "Des générations de Flamands étaient déconsidérés dans l'ancienne Belgique unitaire aux plans linguistique et culturel. Grâce au mouvement flamand, la mise sur pied d'égalité des communautés est pratiquement acquise. Grâce au mouvement flamand et au mouvement wallon, la Belgique s'est commuée en un Etat fédéral avec de larges compétences aux entités. La Flandre est devenue entretemps une des régions les plus prospères au monde. Des Flamands occupent les plus hautes fonctions en Belgique. C'est au moment où la Flandre occupe une telle place dans le cadre belge que les membres du groupe "In de Warande" et d'autres entendent démanteler la Belgique. Etrange paradoxe, qui montre que la plupart des nationalistes flamands souhaitent substituer une Flandre radicale de droite à une Belgique multiculturelle et pluraliste. De toute façon, nous n'avons aucune envie d'habiter demain une Flandre nombrilique et tchatchérienne qui donne la priorité absolue à l'argent, et où la solidarité avec les partenaires plus démunis passe au second plan".

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